Mégapole indienne la plus touchée par les attentats, Mumbai ( Bombay) a trouvé la rédemption dans le cinéma . Bollywood met régulièrement en scène des terroristes comme autant de parcours singuliers. Ils prennent parfois les traits de « gens normaux », victimes de manipulation ou de chantage.
Les films posent nombre de questions : qu’est-ce qui déclenche le passage à l’acte ? Les poseurs de bombe peuvent-ils revenir à une vie normale ? Peut-on tomber amoureux d’un terroriste ? Lorsque Mumbai sombre dans les émeutes intercommunautaires déclenchées par l’explosion d’une dizaine de bombes, comme en 1993, le film Bombay sort deux ans plus tard, mettant en scène un couple hindou et musulman victime des violences qui ensanglantent la ville.
3,5 milliards de spectateurs par an
« A la fin, c’est toujours la paix, l’ harmonie qui triomphe, les films ont ce pouvoir unique en Inde de rassembler un pays divisé, de panser les plaies d’une société » , explique Roshni Sengupta, professeure à l’université d’Amity, près de Delhi . En Inde, le cinéma , qui draine 3,5 milliards de spectateurs par an, est omniprésent : dans la politique, la publicité, ou le sport . Il tire sa puissance du pouvoir de l’image qui traverse les siècles d’ histoire du sous-continent – des mandalas , qui se confondent avec la naissance du bouddhisme ou du jaïnisme, aux films qui façonnent l’identité de l’Inde d’ aujourd’hui.
« Les films hindis ont non seulement servi de liant dans un territoire éclaté et aux multiples langues, mais aussi contribué à l’émergence d’une fierté nationale qui, dans les drames ayant secoué son histoire , a permis au peuple indien de se retrouver uni » , écrit leréalisateur Joël Farges dans L’Inde contemporaine (Fayard), ouvrage collectif sous la direction de Christophe Jaffrelot.
“Les films entrouvrent unespace, donnent unpoint de vuedifférent de ceux donnés par le gouvernement ou les organisations terroristes.” L’acteurShahrukh Khan
Les réalisateurs puisent leur inspiration dans les vagues de terrorisme qui ont secoué le pays au cours des dernières décennies. Celle du Cachemire , qui s’est intensifiée au début des années 1990 ; celle des séparatistes du Pendjab dans les années 1980 ; celle encore qui fait rage dans le nord-est du pays ; enfin la série d’attentats qui ont endeuillé Mumbai en 1993, 2002, 2003, 2006, 2008 puis 2011.
Roja , le premier film indien sur le terrorisme islamiste, sorti en 1992, met en scène un couple dont le mari est enlevé par des séparatistes cachemiris. Plus de vingt ans plus tard, en 2007, le film Black Friday, réalisé par Anurag Kashyap, retrace le parcours d’un terroriste et la manière dont les hindous et les musulmans de Mumbai sont pris au piège de la violence. « Tant de choses séparent les musulmans des hindous dans la société indienne. Le cinéma est l’un des seuls lieux qui tissent un lien entre communautés en dépassant les préjugés et en créant de la compassion » , estime Rishi Majumder, le rédacteur en chef du site d’informations The Big Indian Picture . Dans quel autre pays un juge de la Cour suprême reprend-il, comme en 2012, une réplique de film pour justifier l’acquittement de musulmans soupçonnés de préparer des attentats ( « mon nom est Khan et je ne suis pas un terroriste » , tiré de My Name Is Khan) ?
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